Faire sauter les verrous.

Lorsque j’ai programmé les courses de cette année 2011 avec les objectifs prioritaires et secondaires, j’avais l’envie d’évoluer dans ma pratique et de casser les codes qui m’ont formaté depuis vingt ans de pratique.

Pas évident pour un athlète issu de la filière « classique » : reprise de l’entraînement en septembre, préparation générale, saison de cross en hiver, préparation spécifique, saison de piste en été, un peu de route au milieu (pas trop) et la nécessaire coupure estivale.

Vingt ans à la recherche d’une certaine performance, à faire les mêmes courses et à comparer des places et des chronos. Et puis, l’impression d’avoir fait un peu le tour. Toujours l’envie de s’entraîner mais le besoin de redevenir néophyte, de pratiquer différemment, de trouver de nouvelles sensations et de nouvelles équations à résoudre.

Alors lorsque cette saison, je me suis programmé 3 courses de plus de 40km et le GRP 80km, je me suis demandé un petit peu où j’allais. Mais c’est ce défi et la gestion de ces efforts et des récupérations qui en incombent qui m’ont motivé dans ce choix.

Très vite je me suis rendu compte de la nécessité de faire sauter les verrous de la préparation mentale et de l’entraînement. Il allait falloir agir et penser différemment. Devenir un autre coureur en se servant de l’acquis de l’expérience mais sans que celle-ci ne soit un frein à l’évolution.

Vaste programme, dont je ne suis pas au bout, loin de là.

Devenir un autre coureur pour se redécouvrir un peu.

La course à pied est un voyage intérieur, il me faut prolonger ce voyage pour retrouver de la sérénité.

C’est dans cet état d’esprit de faire sauter les verrous que j’ai décidé d’effectuer ma sortie ce dimanche matin.

Une idée un peu folle pour moi, mais la folie n’est souvent que le franchissement des barrières que l’on se fixe, relier mon domicile de Saint Macaire à celui de mes beaux-parents en Lot et Garonne en longeant la Garonne puis la voie verte du canal latéral.

Je me programme donc une sortie d’une trentaine de kilomètres en autonomie sur un circuit plat, linéaire et solitaire.

Le but sera de réaliser une sortie longue mais pour une fois sans dénivelé et rupture de rythme. Juste habituer son corps et son esprit à avancer, encore et encore vers un objectif et repousser la lassitude. Trouver des motivations dans les paysages, des repères, encore un pont, encore une écluse, encore un pas …

Je quitte donc Estelle à la maison en lui donnant rendez-vous à Meilhan sur Garonne et traverse un Saint Macaire qui se réveille. Je m’imprègne du bruit du petit marché installé sur la place de l’horloge car je sais que je vais bientôt quitter la foule et que je ne devrais pas croiser grand monde dans les heures qui viennent.

La vieille ville est déserte, je prends le chemin en bord de Garonne, croise quelques pécheurs à l’étang et me dirige vers le port de Saint Pierre d’Aurillac.

A ma surprise, je croise un joggeur, je lui demande où il va pour faire un bout de chemin ensemble, il me dit qu’il est aussi de Saint Macaire et fait un aller-retour le long de la Garonne. Je lui propose donc de faire route commune. Il fait demi-tour un peu avant le pont de Castets en Dorthe. Je lui souhaite bon retour et continue ma route.

Je traverse le pont Eiffel, passe sous le château et rejoins l’embouchure du canal. Je croise un peu de monde, quelques coureurs et cyclistes sur les abords de Castets en Dorthe. Puis je m’enfonce le long de cette bande de platanes qui sillonne les terres agricoles jusqu’à Toulouse.  

A partir de là, je ne croiserais que quelques pécheurs et deux ou trois péniches jusqu’ à Meilhan.

Je passe en face de ma côte en pelouse sur laquelle j’ai fait ma séance la semaine dernière, aujourd’hui c’est que du plat.

J’alterne les passages sur la piste cyclable et le chemin de halage pour changer de sols et ménager les appuis.

J’arrive à proximité de Bassane et je sors de l’allée de platanes pour un long passage à découvert jusqu’à Fontet. Les écluses se succèdent, les kilométrages sont bien marqués sur la piste cyclable et sont assez en adéquation avec ma montre. J’ai estimé sur la carte que j’avais environ 30km jusqu’ à Meilhan sur Garonne et un peu plus de 40 jusqu’à Pont des Sables. Pour aujourd’hui ce sera donc 30.

La partie avant d’arriver à Fontet est un peu monotone car je suis obligé de rester sur la piste cyclable, c’est une ligne droite interminable à découvert. Heureusement la température est idéale, la pluie de la nuit à bien rafraîchit l’atmosphère et si la pluie menace ça devrait tenir cette matinée.

C’est donc un peu monotone mais c’est ce que je suis venu chercher et j’essaie de faire un travail sur moi, je me concentre sur les paysages traversés et cherche des pensées positives.

J’arrive à la base de Fontet, 1h45 que je suis parti, avec les pauses photos, je tiens donc une moyenne de 12km/h. J’envoie un texto à Estelle pour lui confirmer mon tableau de marche et l’horaire d’arrivée à Meilhan. Il me reste une dizaine de kilomètres à parcourir sur une partie que je ne connais pas.

Je retrouve avec plaisir les platanes sur cette partie et des petits villages charmants à proximité du canal. Je longe Hure et je vois que Meilhan n’est plus loin. Je regrette d’être partie un peu tard de la maison car j’aurais pu pousser ce matin jusqu’à Pont des Sables pour une dizaine de kilomètres supplémentaires mais un bon repas nous attend et je ne veux pas mettre tout le monde en retard.

Je signale donc à Estelle que je serais au rendez-vous dans 20 minutes. Je passe le port de Meilhan, traverse le canal sous le tertre, je vois la belle côte d’arrivée de la course Marmande-Meilhan dont me parle les coureurs lot et garonnais et que je n’ai jamais eu l’occasion de courir. Encore une course sympa à faire…

Je prends un bras de terre d’une dizaine de mètres entre Garonne et canal, c’est le dernier kilomètre, à la sortie de la courbe j’aperçois l’écluse des gravières et Estelle qui m’attend.

J’arrête mon chrono, 30.130km, 2h30 de balade. A part quelques traversées de ponts, presque une ligne droite entre Gironde et Lot et Garonne. Si j’ai croisé 10 personnes durant ces 2h30 c’est bien le maximum, par contre tout le long, les chants des oiseaux, les canards, poules d’eaux et autres batraciens m’ont accompagné.

Il est temps de retourner à la civilisation et à l’apéro qui nous attend.